La filière cuir s'inquiète pour son avenir
Défense de l’appellation cuir, impératifs liés à la RSE... En dépit de ses bonnes performances à l'export, la filière cuir fait face à de nombreux défis.
Les défis ne manquent pas, pour l'année qui vient. Le 25 janvier, lors d'une conférence digitale, Frank Boehly, président du CNC, Conseil national du cuir, qui rassemble producteurs, utilisateurs et distributeurs de cuir, présentait ses « Vœux et engagements » pour la filière. Laquelle regroupe quelque 12 800 entreprises représentant un chiffre d'affaires de 25 milliards d'euros. Spécificité du secteur, dans lequel la France fait partie des leaders mondiaux, la moitié de l'activité est constituée par l'export. Et ce dernier a crû de 9% depuis 2019.
Pour autant, le cuir est confronté à une multitude d'enjeux : compétitivité des entreprises, retard technologique... Mais deux sujets concentrent plus particulièrement les attentions des professionnels. A commencer par la défense des savoir-faire et des métiers de la filière. Et en particulier, ce qui inquiète Frank Boehly, c'est « la défense de la matière et de l'appellation cuir.(..) Il y a des remises en question », souligne-t-il. En effet, le décret n° 2010-29 du 8 janvier 2010, qui encadre la commercialisation des produits en cuir, définit ce dernier comme étant obtenu à partir de la peau animale. Or, actuellement, de nombreuses expressions fleurissent, comme cuir de cactus, ou cuir d'ananas... « Des matières d'origine végétale utilisent abusivement le mot cuir, et en même temps, paradoxalement, elles dénigrent la filière cuir. Cela engendre une certaine confusion chez les consommateurs », regrette Frank Boehly, évoquant un sondage selon lequel la moitié des jeunes pensent que le cuir n'est pas d'origine animale. Le CNC aimerait profiter de l'actuelle présidence française du Conseil de l'Union européenne pour porter le combat à ce niveau en y imposant la définition française du cuir, que partagent déjà Italie et Portugal.
La responsabilité du cuir
Autre enjeu fort qui s'impose au secteur du cuir, celui de la RSE, Responsabilité sociétale des entreprises. Sur ce sujet, la filière cuir bénéficie d'une spécificité, l'effet d’entraînement des grands groupes de luxe. « Nos cuirs sont très présents chez les grandes marques qui ont pris des engagements forts. Comme fournisseurs, nous les accompagnons », témoigne Jérôme Verdier, président de la Fédération française de la tannerie mégisserie. Celle-ci regroupe une cinquantaine d'entreprises au savoir-faire reconnu qui fabriquent et commercialisent le cuir fini, bovin, de chèvre ou crocodile.... D'ici la fin de l'année, les deux tiers de ces sociétés devraient être labellisées LWG, Leather Working Group, une certification qui garantit des pratiques environnementales acceptables, lancée en 2005 par des marques. Originellement, le label était destiné à « contrôler les fournisseurs géographiquement éloignés, en Asie », précise Jérôme Verdier. Par ailleurs, rappelle-t-il, les entreprises qu'il représente sont déjà soumises à des contraintes fortes. Tel le règlement européen Reach qui encadre l'utilisation des produits chimiques. « Il s'agit de réglementations extrêmement fortes qui nous contraignent, mais nous aident à être à la hauteur des attentes des donneurs d'ordre », commente Jérôme Verdier.
Plus globalement, le Conseil national du cuir s'efforce d'accompagner ses adhérents dans leurs démarches RSE. Par exemple, un rendez-vous annuel, le Sustainable leather forum, est consacré au sujet. Les professionnels peuvent également utiliser DiagRSEcuir, un outil d'évaluation de leur démarche, gratuit. L'enjeu de la RSE, immense, peut aussi peser sur l'attractivité du secteur auprès des jeunes, très sensibles à l'argument, au moment où les entreprises spécialisées dans le cuir peinent à recruter.