L’impératif de la « végétalisation » de l’alimentation
Il est indispensable de manger moins de protéines animales, d’après l’Inrae. La sécurité alimentaire mondiale, la planète et la santé de chacun en dépendent. Attention, être « végétalisé » ne suffit pas à rendre un régime sain, mais la recherche propose plusieurs innovations pour aller en ce sens.
« Végétaliser son alimentation ». Le 22 février, à Paris, lors d’une conférence de presse, l’Inrae, Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, dévoilait les thèmes qu’il allait présenter au Salon international de l’Agriculture. Cet événement constitue un moment privilégié au cours duquel ces chercheurs communiquent auprès du grand public. Le thème choisi cette année, l’alimentation et plus particulièrement sa « végétalisation », qui constitue un enjeu majeur sur plusieurs plans : celui de la santé des individus, de l’environnement et de la sécurité alimentaire mondiale. En 2050, en effet, il faudra être en mesure de nourrir plus de 9 milliards d’humains sur la planète. « L’OMS [Organisation mondiale de la Santé] préconise une proportion de 50 % de protéines animales et 50 % de protéines végétales dans l’alimentation. En France, nous sommes plutôt autour de 65 % de protéines animales, alors que l’Afrique Subsaharienne est très en deçà », explique Philippe Mauguin, président-directeur général de l’Inrae. Du point de vue environnemental, les recherches ont montré que « les régimes où la part animale est la plus forte sont ceux qui ont l’impact le plus important sur la planète », poursuit Benjamin Allès, chercheur en nutrition.
De récents travaux de l’Inrae ont constaté une prise de conscience chez les consommateurs : environ 60 % d’entre eux ont réduit leur consommation de viande et 3 % sont allés jusqu’à adopter des solutions plus radicales, comme le végétalisme (qui consiste à ne manger que des produits d’origine végétale). « Aujourd’hui, la question qui se pose est de parvenir à végétaliser l’alimentation sans adopter un comportement qui ne soit pas favorable pour la santé », pointe Benjamin Allès. Certains régimes végétalisés sont en effet déséquilibrés et peuvent générer plus de risques de diabète et de problèmes cardio-vasculaires que d’autres régimes non végétalisés, d’après la recherche américaine. « C’est une question d’équilibre », insiste Benjamin Allès. L’Inrae plaide pour l’adoption d’une alimentation qui comporte une part végétale plus importante, mais dans le cadre d’une démarche progressive. Quant à ceux qui souhaitent réaliser un changement radical en passant au tout végétal, l’accompagnement par un médecin nutritionniste est recommandé.
Mes protéines en version 3D
En matière d’alimentation, certaines innovations – qui ont éventuellement une portée plus large- pourraient permettre d’aller vers une « végétalisation » accrue, expliquent les chercheurs de l’Inrae. C’est notamment le cas des insectes qui peuvent servir de substitut à la protéine des viandes. « En Asie ou en Afrique, par exemple, leur consommation est ancienne. Chez nous, cette pratique est plus récente, et pour l’instant son acceptabilité par les consommateurs constitue un verrou majeur », explique Monique Axelos, directrice scientifique alimentation et bioéconomie à l’Inrae. D’après la recherche, les insectes présentent des avantages sur différents plans. Sur celui de la santé, car ils comportent beaucoup de protéines, mais aussi des lipides, des fibres…. Et sur le plan environnemental, leur élevage nécessitant moins d’eau que celui d’autres espèces et génère moins de gaz à effet de serre.
Autre aide possible à la « végétalisation de l’alimentation », la fermentation. « Il s’agit d’un procédé ancestral, mais aujourd’hui, nous le revisitons, car il recèle un potentiel très important pour une alimentation plus saine et durable », précise Monique Axelos. Du point de vue de la santé, cette « biopréservation » des aliments limite le recours à des additifs de toute sorte et garantit la sécurité alimentaire. Par ailleurs, « il présente un intérêt nutritionnel » ajoute la chercheuse. Exemple : la choucroute est particulièrement riche en vitamine C. En outre, la fermentation permet d’accroître la diversité du microbiote intestinal. La planète y gagne aussi : « Ce processus nécessite peu d’eau, d’énergie et génère peu de déchets. De plus, il réduit les exigences en matière de chaîne de froid », explique Monique Axelos.
Autre nouveauté encore – plus prospective- : l’impression 3D des aliments, initiée par la Nasa dans les années 2000 pour les vols habités. Hors de ce contexte, l’intérêt de la démarche réside dans son potentiel de « personnalisation de l’alimentation », pointe Monique Axelos. Par exemple, en milieu gériatrique, elle permet de réaliser des aliments faciles à attraper avec les doigts, d’une consistance qui ne soit pas trop dure tout en exigeant la nécessaire pratique de mastication. Et qui incluent le bon équilibre entre protéines animales et végétales.