L’entreprise et les salariés
Revue de récentes décisions de la Cour de cassation en matière de droit du travail.
Contrat de travail : CDD
Est réputé à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée qui ne comporte pas la définition précise de son motif. Cette exigence de précision implique nécessairement que le nom et la qualification du salarié remplacé figurent dans le contrat lorsqu’il s’agit d’un CDD conclu pour remplacer un salarié absent. (Cass. Soc.,10 mars 2021, pourvoi no 20-13230).
Rupture conventionnelle : preuve
Il appartient à celui qui invoque la remise d’un exemplaire de la convention de rupture à l’autre partie d’en rapporter la preuve. Une cour d’appel avait débouté un salarié de sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle homologuée, soutenant ne pas en avoir reçu d’exemplaire. Pour la Cour de cassation, la cour d’appel ne peut retenir que l’argument que celui-ci opposait, selon lequel l’employeur ne lui aurait nécessairement pas remis un exemplaire du protocole de rupture conventionnelle après sa signature, puisque il avait besoin de conserver tous les exemplaires signés afin d’y rajouter la mention « lu et approuvé », n’est pas pertinent et que le salarié n’établit pas ne pas avoir été en possession de ces documents durant le délai de réflexion. (Cass. soc.,10 mars 2021, pourvoi no 20-12801)
Il appartient au salarié de rapporter la preuve que son consentement à la rupture conventionnelle a été vicié. Ayant constaté que le salarié avait manifesté de longue date et de façon réitérée son intention de quitter l'entreprise et que, malgré l'information donnée par l'employeur de l'existence d'un plan de sauvegarde de l'emploi en cours d'élaboration, il n'avait pas usé de son droit de rétractation, la cour d'appel a pu débouter l'intéressé de sa demande d'annulation de la rupture conventionnelle homologuée. (Cass soc., 17 mars 2021 pourvoi n° 19-25313)
Licenciement : clause de mobilité
Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement d’un agent de service dont le contrat comportait une clause de mobilité géographique, dès lors que, même si le changement d’affectation était conforme à celle-ci, la modification imposée au salarié ne reposait sur aucune nécessité établie de l’entreprise, laquelle a fait un usage abusif de la clause de mobilité contractuelle. (Paris, 3 novembre 2020, RG no 18/11579).
Lettre de licenciement : motif
Aux termes de l’article L 1233-16 du Code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur. Ces motifs doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables. La lettre doit mentionner également leur incidence sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié. L’énonciation « nous avons le regret de vous informer, par la présente, que nous envisageons de rompre votre contrat de travail pour motif économique par absence d’activités » à laquelle se limite la lettre de licenciement ne constitue pas le « grief matériellement vérifiable » exigée par la loi. (Paris, 20 janvier 2021, RG no 18/09447).
Licenciement : faute grave
La cour d'appel de Paris avait constaté que la faute du salarié résultait des multiples procédés frauduleux utilisés pendant de longs mois, afin de détourner, à l'insu de l'employeur et dans son intérêt personnel, les moyens techniques et financiers mis à sa disposition. Ce, en réalisant clandestinement des opérations hors norme et en dissimulant des positions directionnelles devenues abyssales, faisant ainsi courir à la banque des risques majeurs. Pour la Cour de cassation, la cour d’appel a pu décider que les carences graves du système de contrôle interne de la banque, qui avaient rendu possible le développement de la fraude et ses conséquences financières, ne faisaient pas perdre à la faute du salarié son degré de gravité, justifiant ainsi son licenciement immédiat. [La haute juridiction valide le licenciement pour faute grave de l’ancien trader de la Société Générale, Jérôme Kerviel]. (Cass soc., 17 mars 2021, pourvoi n° 19-12586)