L’entreprise et les salariés
Revue de récentes décisions de justice en matière de droit du travail.
Licenciement : faute grave
Le chef comptable d’une association avait été licencié pour avoir communiqué à des tiers des informations sur la rémunération de plusieurs membres de la structure. Ces informations avaient été divulguées en des termes qui n’étaient ni injurieux, ni diffamatoires ou excessifs, et qu’à un nombre limité de personnes, elles-mêmes soumises à une obligation de confidentialité et disposant d’un pouvoir de contrôle sur l’association. L’interdiction de leur divulgation n’était ni justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché : la cour d’appel ne pouvait pas décider que le licenciement était justifié par une faute grave. (Cass soc., 17 mai 2023, pourvoi n° 21-19832)
CDD : motif
Faute de comporter la signature de l'une des parties, les contrats à durée déterminée ne peuvent être considérés comme ayant été établis par écrit, et le recours au CDD d'usage ne dispense pas l'employeur d'établir un contrat écrit comportant la définition précise de son motif. (Cass soc., 24 mai 2023, pourvoi n° 21-23971)
Contrat de travail : transfert
Lorsque les conditions de l'article L 1224-1 du Code du travail ne sont pas réunies, le transfert du contrat de travail d'un salarié d'une entreprise à une autre constitue une modification de ce contrat qui ne peut intervenir sans son accord exprès, lequel ne peut résulter de la seule poursuite du travail. (Cass soc., 24 mai 2023, pourvoi n° 21-12066)
Licenciement : procédure
Une cour d'appel ne peut décider que, dès lors que l'avis de réception de la lettre de licenciement portait la mention « pli avisé non réclamé », le licenciement n'avait pas été valablement notifié, sans constater que l'employeur, qui savait que le salarié avait été incarcéré, connaissait son adresse à la date de notification du licenciement, distincte de son domicile. (Cass soc., 24 mai 2023, pourvoi n° 21-24320)
La lettre de licenciement fixant les limites du litige, le juge ne peut pas aggraver la qualification de la faute retenue par l'employeur dans cette lettre. Par conséquent, le licenciement ayant été prononcé pour faute simple, la cour d'appel ne peut pas dire qu'il repose sur une faute grave. (Cass soc., 24 mai 2023, pourvoi n° 22-11072)
La motivation de la lettre de licenciement qui se borne à faire référence à un « Non respect délibéré, à plusieurs reprises des consignes de sécurité », sans aucune précision complémentaire, ne peut pas constituer une motivation permettant à la juridiction prud’homale d’exercer son contrôle. Les explications données par l’employeur, sur demande du salarié, étant très limitées, celui-ci se bornant à expliquer les conséquences des manquements invoqués, sans indiquer leur nature, et n’ayant pas été apportées dans le délai de 15 jours prévu par le Code du travail, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. (CA Paris, 5 avril 2023, n° 20/02287).
Lorsque la prescription des faits fautifs est opposée par le salarié, il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la connaissance de ces faits dans les deux mois ayant précédé l’engagement des poursuites disciplinaires. (Cass soc., 17 mai 2023, pourvoi n° 21-23247)
Santé au travail : inaptitude
Le médecin du travail peut constater l'inaptitude d'un salarié à son poste à l'occasion d'un examen réalisé à la demande de celui-ci, peu important que l'examen médical ait lieu pendant la suspension du contrat de travail. (Cass. Soc., 24 mai 2023, pourvoi n° 22-10517)
L'avis des représentants du personnel sur le reclassement du salarié inapte doit être recueilli après que l'inaptitude du salarié a été constatée par le médecin du travail, et avant une proposition faite à l'intéressé d'un poste de reclassement approprié à ses capacités. (Cass soc., 24 mai 2023, pourvoi n° 21-24226)
François TAQUET, avocat,
spécialiste en droit du travail et protection sociale