L’entreprise et les salariés
Revue de récentes décisions de justice en matière de droit du travail.
Harcèlement moral
Il résulte des articles 2224 du Code civil et L. 1152-1 du Code du travail que, d'une part, est susceptible
de caractériser un agissement de harcèlement moral un fait dont le salarié a connaissance, d'autre part,
le point de départ du délai de prescription de l'action en réparation du harcèlement moral ne peut être
postérieur à la date de cessation du contrat de travail. Pour la Cour de cassation, ne donne pas de base
légale à sa décision la cour d'appel qui, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la
demande de dommages intérêts au titre du harcèlement moral, retient que le dernier fait de harcèlement
allégué par la salariée est constitué par une lettre de l'employeur datée du 16 octobre 2008, dernier jour
du préavis, sans s'expliquer sur la date à laquelle la salariée a pris connaissance de cette lettre. (Cass
soc., 19 avril 2023, pourvoi n° 21-24051)
Licenciements économiques
Le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation
administrative de licenciement devenue définitive, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de
licenciement au regard de la cause économique ou du respect par l'employeur de son obligation de
reclassement. (Cass soc., 19 avril 2023, pourvoi n° 21-10133)
S'il appartient au juge, tenu de contrôler le caractère sérieux du motif économique du licenciement, de
vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le
contrat de travail envisagées par l'employeur, il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il
effectue dans la mise en œuvre de la réorganisation. (Cass soc., 19 avril 2023, pourvoi n° 21-19814)
La rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation
professionnelle (CSP) doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur est en
conséquence tenu d'énoncer cette cause de la rupture, soit dans le document écrit d'information sur ce
dispositif, remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il
doit lui adresser, lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement
imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du Code du travail. Ou encore, lorsqu'il n'est pas
possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du CSP, dans tout autre
document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation. A défaut, la rupture
est dépourvue de cause réelle et sérieuse. (Cass soc., 19 avril 2023, pourvoi n° 22-11304)
Débauchage
Une société s’était livrée à un débauchage massif des salariés de son concurrent : elle avait avait
contacté la moitié de l’effectif total ( 11/22 salariés) de ce dernier. Quand bien même ces salariés
concernés avaient été déliés de leur engagement de non-concurrence, ce débauchage massif était
contraire aux usages loyaux du commerce. (Cass com., 13 avril 2023, pourvoi n° 22-12808)
Occupation professionnelle du domicile
Si le salarié, qui n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile, ni d’y installer ses dossiers et ses
instruments de travail, accède à la demande de son employeur, celui-ci doit l’indemniser de cette
sujétion particulière, ainsi que des frais engendrés par l’occupation à titre professionnel du domicile. En
outre, le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins
professionnelles, dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition. Le choix
du salarié de travailler, en partie, depuis son domicile ne saurait être considéré comme une sujétion
imposée par l’employeur et aucune indemnité n’est donc due à ce titre. (Paris, 16 mars 2023, RG n°
19/09614).