L'économie mondiale menacée par des déséquilibres qui s'installent
L'OCDE prévoit une croissance du PIB mondiale de l'ordre de 5,6% en 2021. Réalisée avant le déferlement de la vague Omicron, la prévision met en garde sur les déséquilibres qui menacent la reprise de l'activité, prenant en compte l'impact des aléas potentiels de la crise sanitaire.
Jamais prévoir n'a été un exercice aussi complexe, prévient Laurence Boone, chef économiste à l'OCDE, Organisation de coopération et de développement économique. Et la vague Omicron qui déferle lui donne raison... Le 15 décembre dernier, l'économiste présentait un point de conjoncture mondial auprès du Cercle des Économistes. « La reprise continue de façon forte, mais il reste beaucoup de problèmes de déséquilibres dans le monde », explique Laurence Boone. Ces déséquilibres sont de nature diverse, entre pays et zones géographiques, et au sein même des pays. Et leur évolution est conditionnée par les possibles aléas de la crise sanitaire. Pour l'instant, d'après l'OCDE, la croissance du produit intérieur brut (PIB) mondial devrait passer de 5,6 % en 2021 à 4,5 % en 2022, puis à 3,25 % en 2023. Nous sommes « prudemment optimistes », conclut l’économiste. Laquelle énumère les déséquilibres existants qui constituent autant de risques pour la croissance à venir. A commencer par ceux entre zones géographiques. Par exemple, l'activité aux États-Unis a rebondi plus fortement qu'en Europe. Et la crise a également creusé le différentiel de niveau de vie entre les pays émergents, très durement touchés, et celui des pays avancés. Par ailleurs, un éventuel ralentissement de la croissance chinoise pourrait avoir des conséquences importantes pour le reste du monde, via des tensions sur ses chaînes de production, ou à cause d'une baisse de ses importations, si la demande intérieure venait à diminuer. « Si la demande chinoise baisse de 2% sur deux ans, le PIB mondial est impacté de un point par an », illustre Laurence Boone.
Le risque d'une inflation qui s'installe
Autre déséquilibre inquiétant, celui celui du marché de l'énergie. Celui-ci a connu une forte augmentation des prix (gaz en Europe, pétrole aux USA). Parmi les motifs de cette hausse, figurent des retards de maintenance des infrastructures existantes en 2020, en raison de l'épidémie, des investissements insuffisants dans les énergies vertes, et aussi, un bas niveau de stocks de gaz en Europe . La situation peut affecter notamment des pays comme l'Allemagne, les Pays-Bas ou l'Autriche.
Autre sujet majeur de préoccupation, l'inflation : « celle-ci vient un peu de l'énergie, et beaucoup des tensions sur les chaînes de production », décrypte l'économiste. En effet, l'allongement des délais de livraison a généré une pression supplémentaire sur les capacités de production qui peinent à répondre à la demande, en particulier dans les pays où les revenus ont été préservés. Les effets sont visibles, par exemple dans le domaine automobile. Concernant les puces électroniques, indispensables, « la demande est tellement forte que le délai de livraison avant et après pandémie est passé de 13 à 22 semaines », illustre Laurence Boone. Or, l'impact sur le PIB s'avère majeur : en Allemagne, important producteur automobile, le phénomène a pénalisé la croissance du PIB de 1,5 point. Et globalement, alerte l’économiste, ces tensions, qui perdurent, conduisent à une inflation « durable ». La même logique concerne les difficultés que connaît le marché de l'emploi dans le monde, avec des secteurs qui peinent à recruter sans que le chômage ne se résorbe nécessairement. Tant que le monde ne sortira pas de cette situation sanitaire difficile, l'ensemble de ces déséquilibres devrait perdurer...