L’économie du sport, un poids lourd insoupçonné ?
La contribution du sport à l’économie serait significativement sous-évaluée, d’après une étude de BPCE L’Observatoire qui l’estime à 2,6 % du PIB. Mais si ce secteur connaît une évolution dynamique, le tissu d’entreprises qui le compose, fragile, se fragmente de plus en plus.
2,6 % du PIB plutôt que 1,7 %. « Le secteur du sport pèse autant que celui de l’hôtellerie-restauration dans l’économie », annonce Julien Laugier, économiste au sein du groupe bancaire BPCE. C’était à Paris, le 26 janvier dernier, lors d’une conférence de presse dédiée à la présentation du rapport de BPCE l’Observatoire consacré à « la filière sport : les challenges d’une championne ».
D’après cette étude, la filière pèse 64 milliards d’euros (en cumulant consommation et investissements, et en retirant 1 milliard d’euros d’importations). Cela représente 2,6 % du PIB, une évaluation bien supérieure à celle de 1,7 % avancée, par le rapport de Perrine Goulet, parlementaire, destiné au Premier Ministre, « Le financement des politiques sportives en France : bilan et perspectives » de 2018. Pour les chercheurs de BPCE l’Observatoire, cet important différentiel tient à deux facteurs. Tout d’abord, leur étude inclut dans son périmètre des activités qui ne sont pas répertoriées sous les codes NAF strictement liés au sport, à l’image des centres équestres ou des journaux sportifs. De plus, elle intègre des évaluations de dépenses d’acteurs pour lesquelles des données chiffrées ne sont pas disponibles, à l’image des communes de moins de 3 500 habitants. Ces dernières n’étaient pas prises en compte par le rapport public. En outre, même le chiffre de 64 milliards d’euros serait « sous évalué », pointe Julien Laugier. En effet, il n’inclut pas le bénévolat, lequel représente 180 000 ETP, Équivalent temps plein. De plus, l’apport du secteur non marchand est valorisé à son prix coûtant et non à celui du marché. Or, il représente 37 % du secteur. Quant aux externalités positives, telles la santé, la cohésion sociale, ou l’attractivité territoriale, elles ne sont tout simplement pas prises en compte...
Dans le détail, les 64 milliards d’euros que pèse le secteur se répartissent en 12,3 milliards d’euros d’investissements, 52,7 milliards d’euros de consommation des ménages, auxquels il faut retirer un milliard d’euros de déficit de la balance commerciale. L’essentiel de la consommation des ménages est directe (34,2 milliards d’euros), constituée d’achat d’articles de sport, d’abonnements aux salles, de billets pour les évènements sportifs… Les 18,4 milliards d’euros restants (consommation indirecte), relèvent de la pratique sportive scolaire, de la pratique libre dans des équipements sportifs publics, associative… Quant aux 12 milliards d’euros d’investissements, ils se répartissent entre 7 milliards d’euros émanant d’entreprises du secteur qui investissent, et en second lieu, du sponsoring ( 1,4 milliard ). Le secteur non marchand contribue à hauteur de 5,3 milliards d’euros, avec en tête les collectivités locales, qui construisent et rénovent des équipements, et l’État.
Croissance et fragilité croissante
Au total, 128 464 entreprises privées œuvrent dans le sport, d’après l’étude. « Le secteur est extrêmement fragmenté, composé d’un très grand nombre de microentreprises, mais il est également très concentré, l’essentiel de l’activité se concentrant sur un nombre limité d’entreprises », analyse Alain Tourdjman, directeur des études et prospective du groupe BPCE.. Les entreprises qui ne comptent aucun salarié, sous des statut divers ( micro- entreprise, entrepreneur individuel, sociétés…) représentent l’essentiel du secteur : l’étude recense 101 118 d’entre elles, qui réalisent 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Les 23 849 TPE « employeuses » cumulent 13 milliards d’euros, les quelque 3 500 PME, 17 milliards. Et 143 ETI et grands groupes concentrent 21 milliards d’euros. Quant aux 13 entreprises des paris sportifs, elles représentent 13 milliards d’euros.
En terme d’activités aussi, la répartition s’avère très inégale. Le commerce concentre 19,9 % des entreprises et 48,3 % du chiffre d’affaires. La production de biens et d’équipements occupe 9,5 % des entreprises et 21,9 % du chiffre d’affaires. Les divertissements et services de soutien représentent 10,6 % des entreprises et 18,7 % du secteur. Et enfin, enseignement, salles et clubs de sport (60 % des entreprises), ne pèsent que 10,6 % du chiffres d’affaires. La corrélation entre activités de coaching ou enseignement et entreprises sans salariés est particulièrement nette. Ces métiers représentent 54,5 % des entreprises pour 8,1 % du chiffre d’affaires !
Autre constat de l’étude, « le secteur connaît une extrême vitalité », note Alain Tourdjman. Entre 2008 et 2021, le nombre d’entreprises est passé de 45 000 à 110 000, sans que les crises récentes ne brisent durablement la tendance. Et depuis cinq ans, le nombre d’entreprises augmente de 5 % par an, environ : 10 à 15 000 emplois s’y créent chaque année, quand le nombre de cessation d’entreprises se limite à quelque 5 ou 6 000 par an. Le solde net est donc positif.
Mais l’étude dresse un autre constat, plus inquiétant :celui de la fragmentation du secteur. Entre 2008 et 2021, le nombre d’entreprises sans salariés a augmenté de180 %, et celui des TPE employeuses, PME et ETI de 40 %. Aujourd’hui, « 98 % des créations sont des micro- entreprises (…). Il y a très peu de créations d’entreprise avec des salariés, même dans le domaine industriel, et cela entretient la fragmentation du secteur », pointe Alain Tourdjman. Cette tendance est perceptible depuis une quinzaine d’années avec des conséquences préoccupantes : le « réservoir » de TPE n’est plus alimenté par la création des entreprises, le potentiel des entreprises « non employeuses » à devenir employeuses restant limité. Au final, analyse Alain Tourdjman, « nous observons une polarisation du secteur avec d’un côté, un très grand nombre d’entreprises sans salariés et de l’autre, la constitution d’ETI. En revanche, il semble que les TPE aient du mal à trouver le bon modèle entre les économies d’échelles que peuvent réaliser les ETI et la très grande flexibilité et le faible niveau de coût des entreprises sans salariés ».
Les Français font du sport
D’après l’étude BPCE, environ 20 % des Français pratiquent le sport en association, en 2021. L’Hexagone compte 13,1 millions de licenciés. Au top 5 des sports favoris des licenciés, figurent le foot, le tennis, l’équitation, le basket et le golf. Ils réunissent 30 % d’entre eux.