Ordre des experts-comptables de Normandie
Franck Nibeaudo : « Nous n'avons jamais été autant à l'écoute de nos clients »
Franck Nibeaudo a été élu président du Conseil régional de l'ordre des experts-comptables (CROEC) de Normandie en décembre 2020. Il explique les priorités de son mandat mais aussi le rôle des experts-comptables durant la crise sanitaire.
Quelles sont vos priorités pour votre mandat ?
« L'idée est de continuer l'activité de présence de la profession. Notre métier évolue, nous avons besoin de communiquer. Le principe est de faire connaître notre savoir-faire et expliquer toutes les palettes de notre métier. »
Par quelles actions concrètes ?
« Nous allons faire perdurer la "journée des associations". J'aimerais également organiser une "journée secteur public" en sollicitant les collectivités
territoriales pour pouvoir leur montrer les services apportés par
les experts-comptables et les commissaires aux comptes dans les
démarches et l'accompagnement des collectivités.
Nous essayons
également d'organiser une "journée de la prévention", peut-être
sous la forme d'un congrès virtuel. L'idéal serait de le faire à
la fin du premier trimestre 2021, compte tenu des enjeux économiques
actuels. Parce que, je ne crois pas à une augmentation des dépôts
de bilan en 2021. Pour moi, 2021 sera entre 2019 qui était une année
plutôt normale et 2020 avec des diminutions importantes, selon les
régions, de procédures collectives (20 à 40% de baisse). On va se
situer entre les deux car le chômage partiel est encore là, les
systèmes d'aide sont présents, les Régions font beaucoup d'efforts
pour préserver le tissu économique. Mais, à chaque crise, il y a
eu des dépôts de bilan qui se sont accélérés. Je ne vois pas
pourquoi cette crise serait une exception. L'idée est de mobiliser
tout le monde, en amont, pour être dans l'anticipation et avoir une
certaine agilité par rapport aux problématiques de la prévention
des entreprises.
J'aimerais également qu'on créé une "journée
internationale" pour permettre aux experts-comptables d'échanger
sur toutes les pratiques qu'ils peuvent avoir avec leurs clients qui
font de l'export ou les clients étrangers qui s'installent en
France. En faisant ces événements, on montre que les
experts-comptables ont une profession citoyenne en aidant les
entreprises sur des problématiques très diverses. »
Pendant votre campagne, vous disiez vouloir faire des actions de sensibilisation auprès des jeunes. Comment cela va se traduire ?
« On a toujours fait des interventions auprès des collèges et des lycées pour présenter le métier d'expert-comptable et tous les métiers qui existent en cabinet. L'objectif est de susciter des vocations. Ce sont des opérations qui sont menées depuis quatre ans et que l'on veut intensifier. J'ai eu l'occasion de rencontrer la section normande de l'Association nationale des experts-comptables stagiaires (Anecs) et le Club des jeunes experts-comptables (CJEC). L'idée est de faire venir les jeunes. Nous sommes dans un secteur où il y a une demande d'emploi, où il y a une dynamique importante. Mais, on a des difficultés car on a une image peu valorisante du comptable qui nous colle à la peau alors qu'on est plutôt marrant même si on ne fait pas toujours rire (rires). On se rend compte aussi que quand on arrive à faire venir les jeunes, on a des difficultés à les garder. Avec l'Anecs et le CJEC, on aimerait davantage intégrer les jeunes et donner plus d'ouverture dans notre fonctionnement. La moitié des jeunes qui ont le diplôme d'expertise-comptable partent, c'est-à-dire qu'ils ne s'inscrivent pas au tableau de l'ordre et ne deviennent donc pas experts-comptables. Il faut trouver les moyens pour les faire participer. Tous les ans, nous faisons une prestation de serment. L'idée est de pouvoir, en amont de cette réunion, célébrer avec eux l'obtention de leur diplôme. »
LA PHRASE
« L'Ordre
accompagne les confrères sur la partie technique et managériale.
Sur la partie technique, nous sommes étudiants avec la
loi qui change en permanence. Sur la partie management, on les accompagne
tant sur la partie ressources humaines que numérique. On leur donne
des éléments de réflexion à travers différents clubs, après à
chacun d'aller finir de construire son projet.»
Dans le contexte actuel, comment vont vos clients ?
« C'est assez partagé. Tout le monde a subi le premier confinement où il y a un arrêt d'activité de tous les secteurs sauf dans les bureaux où le télétravail a pu être mis en place. Il y a les entreprises qui se portent bien, certaines n'ont pas demandé de reports de charges. À part l'environnement anxiogène, elles ont des résultats équivalents. J'ai un client qui vend des articles de pêche et qui a fait sa meilleure année en 2020 depuis 25 ans par exemple. Il y a celles qui subissent les conséquences mais dont le modèle économique ne s'est pas trop dégradé, qui ont demandé des reports et des aides mais n'en avaient pas fondamentalement besoin. Pour d'autres, c'est compliqué, notamment les secteurs S1 et S1 bis (hôtellerie, restauration, commerce, culture...), qui ont demandé des reports et consommé les aides, et qui sont encore fermés... La situation dure depuis bientôt un an, il y a des chefs d'entreprise qui sont dans un état quasiment dépressif car ils ont la maîtrise de rien. »
La profession doit-elle faire face à de nouveaux défis ?
« L'organisation
numérique de notre profession s'est accélérée avec le
télétravail. Quand nous avons été confiné, nous avons fait en
sorte que les échanges avec nos clients soient dématérialisés. Il
y a une accélération de ces problématiques qui se posaient déjà
mais sur lesquelles on avançait lentement. En ce qui nous concerne,
nous avons potentiellement la facturation électronique en 2025. La
crise, par rapport à la limitation des déplacements, a accéléré
cela.
L'autre sujet est la
défaillance de nos clients. Quand un client part en procédure
collective, c'est un client en moins. Quand il y a eu la crise
financière des subprimes (2007), je ne suis pas sur que notre profession a
beaucoup perdu car on était vraiment sur des entités identifiées,
mais avec la crise actuelle, c'est le tissu économique qui est
touché. On a donc une certaine vigilance sur nos clients.
Par
ailleurs, nous n'avons jamais été autant à l'écoute de nos
clients qu'actuellement. Le temps
comptable administratif va diminuer, notamment avec le
développement du numérique, mais on n'aura jamais passé autant de
temps à leur côté. C'est comme ça qu'on va réussir à préserver
un équilibre. On
revient au cœur initial de notre métier. On a souvent dit que
l'expert-comptable était le médecin de famille. Il faut être
capable de gérer différentes situations. Pour nos équipes, c'est
aussi une nouvelle organisation où il faut remettre le client au
cœur de la démarche. »
Propos recueillis par Chloé Guérout
Une journée interprofessionnelle prévue le 12 octobre à Deauville
Prévue en
novembre 2020, la journée interprofessionnelle réunissant
huissiers, notaires, greffiers et experts-comptables a dû être
reportée en raison de la crise sanitaire. Elle doit avoir lieu le 12
octobre prochain. Au programme de cet événement, des tables rondes sur
les évolutions réglementaires et technologiques de ces professions
mais aussi des ateliers de formation animés par les professionnels.
Objectif : « créer un réseau professionnel normand dans
l'optique d'accompagner au mieux les clients et leur offrir toute une
palette de service », déclare Valérie Poquet, secrétaire
générale de l'Ordre des experts-comptables de Normandie.