Inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap : où en est-on ?
A l’occasion de la 28e édition de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes en situation de handicap, l’Agefiph, acteur de référence emploi et handicap, le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) et l'Association pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (LADAPT), ont dévoilé une étude sur l’égalité des chances en emploi pour les personnes en situation de handicap. Morceaux choisis.
Trois personnes en situation de handicap sur quatre estiment que leur handicap a freiné leur évolution professionnelle. C’est le constat que dresse l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées) dans son dernier état des lieux des opinions et des perceptions autour de l’égalité des chances en emploi pour les personnes en situation de handicap, réalisé par l’Ifop. Dans le détail, 62% des personnes en situation de handicap estiment avoir éprouvé des difficultés pour trouver un emploi. A titre de comparaison, la moyenne nationale est seulement de 35%. Leurs carrières sont aussi plus morcelées, puisque la majorité d’entre eux (63%) ont dû changer de métier ou de poste en raison de leur handicap.
Méconnaissance et sentiment d’injustice
Tout au long de leur parcours professionnel, les personnes handicapées font ainsi face à des injustices qui impactent leur accès à l’emploi et leur carrière. L’un des premiers freins réside dans la méconnaissance du handicap au sein des organisations. En effet, pour 73% des travailleurs handicapés, la situation de handicap est invisible, et donc méconnue de leur entourage professionnel. Ce phénomène est accentué par le fait que seulement une personne handicapée sur deux parle de son handicap avec ses collègues. En cause, la crainte de subir des discriminations s’ils évoquent le sujet pour plus de la moitié des répondants. Autres freins, mis en avant par l’Apec, « la peur d’être stigmatisés et d’être freinés dans leurs carrières, les idées-reçues associées au handicap ou encore la culture de la performance inhérente à leur fonction ». L’association pour l’emploi des cadres, qui rappelle que 7 % des cadres sont en situation de handicap, met en exergue le fait que seuls 2 % d’entre eux déclarent disposer d’une reconnaissance administrative de leur handicap. A ce sujet, le témoignage d’un homme de 59 ans, qui a un handicap non visible, sans RQTH1 (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé), salarié d’une grande entreprise, est éloquent : « Je n’ai pas envie non plus que mon état de santé serve à me donner des missions moins intéressantes, en estimant que c’est pour mon bien ». Des réticences qui s’avèrent justifiées lorsque l’on sait que 64% des personnes en situation de handicap ont déjà été traitées de manière injuste dans le milieu professionnel. « C’est bien plus qu’en matière de santé (27%) ou encore le milieu scolaire (26%), commente le président de l’Agefiph, Christian Ploton. Aujourd’hui la sphère professionnelle est considérée comme le domaine de la vie le plus injuste ». Ces situations d’inégalités créent un sentiment de manque de légitimité chez les travailleurs handicapés, ayant ainsi un impact sur leur capacité à négocier leur salaire ou à demander une augmentation. Preuve en est : 64% des personnes en situation de handicap jugent leur rémunération actuelle trop basse (vs. 49% de moyenne, pour l’ensemble des salariés).
Accès et maintien dans l’emploi
Selon l’Observatoire de l’emploi et du handicap 2023 de l’Agefiph, réalisé par l’Insee, le taux de chômage des personnes en situation de handicap a considérablement diminué ces quatre dernières années, passant de 18 à 12%. Cependant, il demeure près de deux fois plus élevé que celui de l’ensemble de la population. De son côté, la Dares (Direction des études et statistiques du ministère du Travail) a fait le point sur le taux d'emploi direct des travailleurs en situation de handicap dans les entreprises. Elle révèle que celui-ci est resté stable, à 3,5 %, en 2022. En 2022, 657 400 travailleurs handicapés étaient ainsi employés dans les 111 300 entreprises assujetties à l’obligation d’emploi les travailleurs handicapés (OETH). Soit 432 600 équivalents temps plein sur l’année.
Pour améliorer ces taux, les entreprises doivent accompagner les personnes handicapées tout au long du parcours professionnel, afin de garantir non seulement l’accès mais aussi le maintien dans l’emploi et une meilleure égalité des chances dans les évolutions de carrières. 58% des employeurs reconnaissent que les personnes en situation de handicap sont les plus susceptibles d’être discriminées au sein de leur organisation. Pour autant, seuls 16% d’entre eux considèrent le handicap comme une priorité en matière d’égalité des chances. « Il est urgent et impératif de redoubler d’efforts, afin de créer un environnement de travail inclusif et équitable. Cela passe par une meilleure sensibilisation, des aménagements adaptés, et une lutte sans relâche contre les discriminations. Mais il est nécessaire d’aller plus loin dans ces démarches. Ensemble, nous devons œuvrer pour que l'égalité des chances devienne une réalité tangible pour chaque individu », conclut Christian Ploton.
De leur côté, 69% des personnes en situation de handicap estiment que leur organisation est plutôt bienveillante et inclusive à leur égard et 66% se félicitent de la mise en place d'aménagements de postes pour faciliter leur travail.
Si l’Agefiph constate une amélioration au sein des entreprises françaises sur le sujet du handicap, certains écarts demeurent selon la taille des entreprises : les gros employeurs sont plus à la pointe (78%), tandis que les TPE restent moins avancées (54%). Pour les salariés en situation de handicap, il est possible d’aller plus loin pour garantir une meilleure inclusion, via l’aménagement des conditions de travail (horaires et télétravail aménagés) ou encore une meilleure formation et sensibilisation des managers au handicap. A noter que ce souhait concerne aussi bien les personnes en situation de handicap (39%), que les salariés (29%) et surtout les dirigeants (43%).
Charlotte DE SAINTIGNON