Hydrogène vert : des avancées prometteuses
La dynamique enclenchée par l’Europe en faveur de l’hydrogène vert a des effets en France, où s’illustrent des pionniers, y compris à l’international.
Pendant que les spécialistes continuent de s’interroger sur l’efficacité de l'hydrogène comme « vecteur énergétique », force est de constater que la pile à hydrogène affiche toujours, pour le moment, un bilan énergétique médiocre, face aux batteries conventionnelles. Cela tient à la fabrication par électrolyse qui « pomperait » un quart dans le bilan énergétique global. Et, petit rappel, pour mériter le qualificatif « vert », l’hydrogène doit être produit par une électrolyse utilisant de l’électricité verte provenant de l’éolien ou de panneaux solaires ou de barrages hydrauliques ; ou « décarbonée », si l’énergie provient du nucléaire.
La pile à hydrogène en débat
Le bilan global de la pile H2 serait d’à peine 40 watts utiles pour 100 watts consommés en amont à la production. Certains ont soutenu qu’il fallait 4 kWh d’énergie pour délivrer 1 KWh d’hydrogène… On fait beaucoup mieux aujourd’hui. Il reste que la pile à hydrogène serait, pour l’heure, adaptée à de gros véhicules - camions, locomotives, cargos, ferries… C’est sans compter avec des optimisations ou inventions ; ainsi, certains fabricants automobiles misent sur des cartouches d’hydrogène comprimé (de 10 à 20 l.) extractibles…
L’hydrogène comme « e-carburant »
Du reste, la pile à hydrogène n’est pas le seul mode d’utilisation de ce gaz tant prisé aujourd’hui. Les recherches avancent en vue d’utiliser l’hydrogène comme co-carburant. Citons, par exemple, la start-up lyonnaise Elyse Energy, fondée en 2020 par Falkor et Vol-V, acteurs de l’hydrogène vert et de l’économie circulaire. Elle investit 350 millions d’euros à Lacq-Orthez (Pyrénées- Atlantique) dans une usine qui produira à terme 200 000 tonnes d’e-méthanol, carburant de synthèse produit à partir d’hydrogène. Ces développements intéressent les avionneurs et les industriels du transport maritime. Autre indice : une usine de production de carburants d'aviation durables au Danemark vient d’être annoncée ce mois de février par le groupe Technip Energies. Ce dernier a emporté le contrat d’ingénierie d’Arcadia eFuels.
Des investissements significatifs
C’est un fait : les investissements dans la filière hydrogène accélèrent. Le nouveau fonds d’investissement Hy24 dédié à la filière hydrogène, créé il y un an par deux fonds - Ardian et FiveT - a déjà attiré plus de 2 milliards d’euros. A terme, la capacité d’investissements devrait totaliser 20 Mds. Les contributeurs sont notamment Axa et Allianz, Crédit Agricole, Sogecap, Amundi, Groupama, la CDC, la Caisse des dépôts du Québec, la banque japonaise JBIC… De grands groupes s’y intéressent pour des projets liés à l’hydrogène vert - dont TotalEnergies, Air Liquide et Vinci. «La moitié des fonds vient d’acteurs industriels, ce qui est très rare, et l’autre moitié d’investisseurs institutionnels. Au global, 47% sont des sociétés françaises», a déclaré à l’Agefi, Pierre-Etienne Franc, le dg de Hy24. Hy24 a déjà investi dans trois projets dont celui des allemands H2 Mobility et Hy2Gen ; ce dernier travaille à la reconversion de centrales thermiques, dont une en France. En Espagne, le fonds a pris des parts dans le projet Hydeal, ciblant le géant de l’acier ArcelorMitall.
A l’international, toujours, l’équipementier automobile français Plastic Omnium affiche ses capacités. Il vient d’annoncer la création d’une co-entreprise avec le groupe chinois Shenergy / Rein pour produire et commercialiser des systèmes de stockage d’hydrogène en Chine, à Shanghai. Des réservoirs d’hydrogène à haute pression (de type IV) seront opérationnels en 2025 et une nouvelle « méga-usine » d'une capacité de production annuelle de 60 000 réservoirs est prévue pour 2026.
Un pipeline d’hydrogène
Il se confirme que l’Allemagne investit également beaucoup dans la filière hydrogène (bleu et vert) ; en janvier, le groupe électricien allemand RWE et le norvégien Equinor ont signé un « accord stratégique de plusieurs dizaines de milliards d’euros ». L’objectif principal est la construction d’un pipeline d’hydrogène à dimension européenne. Cet accord s’inscrit dans le contexte du plan « RePorwerEU » qui privilégie l’hydrogène. La Commission européenne a déjà donné son feu vert à des dérogations permettant aux Etats membres de subventionner largement des projets dans la filière. Bref, l’élan est donné. La décarbonation énergétique peut accélérer.
Pierre MANGIN