Circul'Egg veut inventer un modèle économique vertueux et rentable
Circul'Egg récupère les coquilles d’œufs pour les exploiter sous forme d'ingrédients pour crèmes cosmétiques et peintures. La société entend ainsi contribuer à la mise en place d'un modèle économique nouveau pour la filière de l'œuf. En collaboration avec casseries et éleveurs.
Seraient-ce les œufs d'or de la poule, version économie circulaire ? Yacine Kabeche et Justine Lecallier, cofondateurs de Circul'Egg présentaient la démarche de leur entreprise, lors de la rencontre « La parole aux entrepreneurs », organisée par la Délégation aux entreprises du Sénat, à Paris, le 14 février. La trouvaille de la jeune société : valoriser les « coproduits » de l’œuf, coquille et membrane. La coquille, en effet, est riche en carbonate de calcium. Ce dernier peut être utilisé pour la fabrication de peintures, par exemple. La membrane qui recouvre l'intérieur de la coquille, elle, contient du collagène qui entre dans la composition des compléments alimentaires et produits cosmétiques. Autre caractéristique des coproduits de l’œuf : ils sont disponibles en abondance et accessibles dans des gisements identifiés. La France, grande nation de l’œuf, produit 40 000 tonnes de coquilles, chaque année. Elles sont concentrées au sein des « casseries », ces entreprises qui séparent les blancs des jaunes pour les revendre ensuite à l'industrie agroalimentaire. C'est auprès de ces sociétés que se fournit Circul'Egg.
« Du point de vue réglementaire, nous sommes arrivés au bon moment », commente Justine Lecallier. Jusqu'à il y a quelques années, en effet, les casseries pouvaient se débarrasser de leurs coquilles, comme elles l'entendaient. Mais la réglementation se faisant de plus en plus stricte, ces professionnels ont vu d'un bon œil l'arrivée de cette jeune entreprise qui les débarrassent gratuitement des coquilles devenues encombrantes. Circul'Egg sépare ensuite membrane et coquille via un procédé breveté – non chimique – . La société peut ainsi proposer à des clients, par exemple, la poudre riche en collagène issue de la membrane. Là aussi, « le timing était bon. Ces molécules sont très connues. Sur le marché, elles sont tendance ! Nous avons choisi de démarrer avec le marché des compléments alimentaires, car nous avons senti qu'il existait un enthousiasme sur le sujet. Nous commençons à entrer en contact avec le secteur cosmétique. Les acteurs y sont de taille plus importante, donc les temps y sont plus longs », explique Justine Lecallier.
« Un modèle rétributif pour tous »
A l'origine, c'est Yacine Kabeche, alors étudiant à AgroParistech, qui a eu l'idée de valoriser les coproduits de l’œuf « au cours d'un week-end start-up ». L'entreprise a été fondée en 2020. Elle compte à présent trois associés, une quinzaine de salariés et une usine à Janzé (Ille-et-Vilaine). Pour se développer, la société a levé 5 millions d'euros, bénéficié du soutien de collectivités locales, dont la région Bretagne, de l'Ademe, Agence de la transition écologique et de Bpifrance, la banque publique d'investissement.
Depuis la création de Circul'Egg, les obstacles n'ont pas manqué, ont témoigné les fondateurs de la société. En particulier, les soucis d'ordre réglementaire demeurent prégnants, notamment en raison du caractère novateur de l'activité. « Nous sommes dans une zone grise, clarifiée à l'échelle européenne », explique Yacine Kabeche. En effet, au démarrage de Circul'Egg, la commercialisation de la poudre de membrane d’œuf était déjà autorisée à l'échelon européen. Des producteurs existaient déjà en Espagne ou aux Pays-Bas, mais pas en France... La société a donc été obligée d'en appeler à l'échelon européen pour attester de la légalité de son activité.
Pour l'avenir, les associés de Circul'Egg regardent dans plusieurs directions. Tout d'abord, « nous souhaitons bâtir un modèle d'affaires qui réunisse toutes les parties prenantes et qui soit rétributif pour tous, en rachetant les coquilles aux casseries, ce qui permettrait de sécuriser le gisement. Mais nous souhaitons aussi remonter jusqu'aux éleveurs pour contribuer au maintien de la filière », explique Yacine Kabeche. En terme de déploiement de l'activité, l'exploitation d'autres produits, comme peut-être les coquilles Saint-Jacques, pourrait être envisagée. Néanmoins « il faut que le coproduit dispose d'un bon gisement pour que cela soit rentable », tempère Yacine Kabeche. Impossible, par exemple, d'aller récolter les coquilles d’huîtres dans des milliers de brasseries et restaurants...
Autre évolution possible, celle du modèle industriel : les flux de coquilles peuvent continuer de converger vers l'usine bretonne. Ou alors, des modules industriels peuvent être accolés aux casseries, afin d'éviter le transport. « Il faut faire un calcul écologique et économique », pointe Yacine Kabeche. Le calcul pourrait être rapide : à terme, Circul'Egg vise le marché européen.