ChatGPT, deux ans après : quels enjeux et perspectives ?
L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques a présenté un rapport sur les défis que soulève le développement de l’intelligence artificielle générative et émet plusieurs préconisations pour répondre à ces enjeux en France.
Aller vers des IA plus frugales et plus efficaces
Quant aux algorithmes, « ils continuent de poser des problèmes d’opacité : ils fonctionnent comme des boites noires, rendant leur explicabilité délicate », a poursuivi le sénateur. Enfin, l’entraînement des modèles nécessitent « des ressources considérables » en infrastructures de calcul et de stockage de données, ainsi qu’en apport d’énergie tout au long de leur cycle de vie. Autant de défis qui nécessitent des efforts de recherche pour améliorer la qualité des résultats et réduire la consommation énergétique des systèmes d’IA. Autrement dit, « faire plus avec moins : il va falloir aller vers des IA frugales et efficaces ».
La souveraineté numérique, un défi pour l’Europe et pour la France
Le développement de l’IA générative soulève également des problématiques d’ordre politique. Pour l’Europe, et notamment la France, « le défi est celui de la souveraineté numérique » face à la prépondérance et l’avance technologique des États-Unis et de la Chine, et cet enjeu « appelle au développement d’acteurs français et européens puissants », a expliqué la sénatrice Corinne Narassiguin (Seine-Saint-Denis, Socialiste, écologiste et républicain). Autres défis : les risques de manipulation et de désinformation et leur utilisation politique, et les risques de cyberattaques à grande échelle. En revanche, « l’intelligence artificielle générale, qui dépasserait les capacités humaines, reste à ce stade une hypothèse incertaine, bien qu’elle suscite des débats passionnés ».
Un impact encore « incertain » sur la croissance et l’emploi
Le développement de l’IA générative a également des impacts sur le plan économique et sociétal. En termes de santé et de bien-être, « l’IA améliore déjà notre vie à travers une multitude d’outils pour nous aider au quotidien » et, à l’avenir, « diagnostics, dépistages précoces et traitements seront optimisés grâce à l’IA et la recherche médicale sera accélérée », a souligné la sénatrice. Mais l’utilisation massive de l’IA pourrait aussi avoir un impact « sur notre santé psychologique » du fait de ses effets cognitifs : l’économie de l’attention « enferme l’utilisateur dans des bulles de filtres ». Sur le plan économique, l’impact de l’IA sur la croissance et sur l’emploi est encore « incertain ». Ce qui appelle à « un dialogue social pour accompagner cette transition » et « des politiques de formation initiale et continue ambitieuses ».
Sciences et culture : s’assurer du respect de nos valeurs
Enfin, le rapport pointe aussi les défis culturels et scientifiques soulevés par l’IA générative. À commencer par le risque d’uniformisation cognitive lié à la domination des acteurs anglo-saxons et à l’hégémonie culturelle des États-Unis. « La France doit défendre sa langue et ses spécificités culturelles face à des systèmes d’IA qui privilégient l’anglais et la culture américaine », a-t-elle poursuivi. « Nous avons besoin en France de modèles d’IA les plus souverains possibles, reflétant notre culture et entraînés avec des données qui la reflète le plus fidèlement possible. » Un autre défi concerne plus particulièrement la création artistique, dans la mesure où les œuvres générées par les IA peuvent « brouiller les frontières entre originalité et imitation, menaçant les régimes traditionnels de propriété intellectuelle ». Enfin, dans le domaine scientifique, l’IA « ouvre des perspectives immenses, comme en témoignent les exemples de la génomique, de la modélisation du repliement des protéines ou de la création des jumeaux numériques ». Et « pour s’assurer que l’IA s’aligne sur nos valeurs, respecte les droits de l’Homme et les principes humanistes », le rapport appelle à instaurer des cadres réglementaires solides, à renforcer la souveraineté technologique et à éduquer les citoyens aux enjeux de ces technologies.
Saisir l’opportunité offerte par le Sommet pour l’IA organisé par la France
Le rapport émet des recommandations pour relever l’ensemble de ces défis. Certaines de ces préconisations concernent le « Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle » que la France a prévu d’organiser en février prochain. Il est ainsi recommandé, à cette occasion, de placer la gouvernance mondiale de l’IA sous l’égide d’une seule organisation internationale, d’instaurer une régulation globale et multidimensionnelle en s’inspirant des travaux de l’OCDE et de l’UE, et de lancer un programme européen commun de coopération en matière d’IA.
Développer une filière française autonome
Au plan national, les rapporteurs jugent très « insuffisants » les résultats de la Stratégie nationale pour l’IA lancée par le gouvernement, et ils ont réalisé un benchmark des stratégies mises en œuvre par une vingtaine d’autres pays. Le rapport propose notamment de développer une filière française autonome sur l’ensemble de la chaine de valeur de l’IA, car « il vaut mieux une bonne IA chez soi qu’une très bonne IA chez les autres », a déclaré le député Alexandre Sabatou (Oise, Rassemblement national). Parmi les autres préconisations du rapport : mettre en place une politique publique de l’IA « avec des objectifs, des moyens et des outils de suivi et d’évaluation » et mobiliser l’ensemble des filières économiques, soutenir davantage la recherche publique en IA, développer la formation dédiée en s’inspirant du modèle finlandais, lancer un grand dialogue social autour de l’IA et de ses enjeux.