Economie

Alerte sur les délais de paiement

Avec 12,9 jours au premier semestre 2024 , les retards de paiement des entreprises ont atteint leur niveau le plus haut depuis la fin du Covid en France, pointe le cabinet d'études Altares. Fait exceptionnel, les plus petits acteurs économiques habituellement plus ponctuels ont vu leurs délais augmenter de manière considérable. Les retards des collectivités territoriales, en léger repli sur un an, progressent avec leur taille.


© Adobe Stock.
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La tendance est inquiétante. Le 18 septembre, le groupe Altares, spécialiste de la data d'entreprise, a dévoilé son panorama des retards de paiement des entreprises de la France dans l'Europe au 1er semestre 2024. En France, ces retards se sont allongées de quasiment un jour sur un an pour atteindre 12,9 jours. Et moins d'une entreprise sur deux paye ses fournisseurs à l'heure (48,7 %).

Mais la tendance à l'augmentation des retards ne touche pas tous les types d'entreprises de la même manière : les sociétés sont d'autant plus concernées qu'elles sont de petite taille et habituellement moins retardataires que les autres. A commencer par les entrepreneurs individuels passés de 8,5 jours de retard, il y a un an, à 13,4 jours en moyenne ! Les TPE de moins de 3 salariés, de moins de 12 jours de retard à 14. En revanche, celles de 4 à 49 salariés sont parvenues à contenir leurs retards sous la barre des 12 jours.

Les PME de 50 à 199 salariés ont stabilisé les délais sous la moyenne globale (12,7 jours). Quant aux structures de 200 à 999 salariés , elles sont repassées sous le seuil des 15 jours (14,5). Au-delà de 1000 salariés, le retard moyen s'élève à 17,8 jours.

Par secteur aussi, les évolutions des retards de paiement différent. Ils atteignent des sommets dans la promotion immobilière et les agences ( 27 et 22 jours), touchées par la crise du logement. D'autres secteurs dépassent les 20 jours de retard : agences de presse, producteurs de films, coiffeurs, instituts de beauté. Entre 15 et 20 jours de retard, figurent le commerce de gros (B2B) de textile et habillement, les activités de logiciel, de transport, la restauration, les activités culturelles... A l'inverse, parmi les secteurs aux comportements les plus vertueux (moins de 10 jours de retard) se distinguent les activités de réparation industrielle, le bâtiment, le commerce de détail pour le bricolage et l'équipement du foyer.

23 jours de retard pour les régions, 12,7 pour les communes

A échelle de l'ensemble du secteur public, les délais de paiement sont restés stables par rapport au premier semestre 2023 pour atteindre 13,3 jours, au dessus de la moyenne du secteur privé. Par ailleurs, ce chiffre masque de très importantes disparités selon les services et les échelons territoriaux. Les collectivités territoriales affichent un retard moyen de 12,7 jours, en légère baisse sur un an. Mais ce délai augmente avec la taille de la collectivité : il s'élève à 12,7 jours pour les communes, à 19,7 jours pour les départements et plus de 23 jours pour les régions. Dans les établissements publics administratifs territoriaux, le délai moyen a aussi diminué cette année, pour atteindre un seuil de15,1 jours. Et dans ce cas aussi, l'importance des retards est corrélée à la dimension de l'établissement : 14,2 jours pour les communautés de communes, 18,3 jours pour les communautés d'agglomération, et plus de 20 jours pour les métropoles...

Dans l'enseignement, les établissements publics locaux d'enseignement (collèges et lycées) se montrent les plus vertueux avec un retard moyen stabilisé sous les 12 jours (11,4 jours). A échelle des établissements publics nationaux à caractère scientifique, culturel et professionnels (universités), le retard dépasse le seuil des 15 jours (15,3 jours), en dépit d'une amélioration sensible sur un an. Dans les EPIC (établissements publics à caractère industriel ou commercial), le retard dépasse tout juste 16 jours (16,1). Il approche les 20 jours pour l'administration de l'Etat (principalement les services déconcentrés de l’État). Par ailleurs, les comportements de paiement se sont dégradés très sensiblement à partir de fin 2023 dans la santé. Les hôpitaux présentent un retard moyen supérieur à 20 jours (20,6 j). Les établissements publics locaux sociaux et médico-sociaux (maisons de retraite, Ehpad) contiennent leur retard moyen proche de 12 jours (12,2).

Conséquence de cette évolution, la France se rapproche de la moyenne européenne des retards de paiement : 13,5 jours. Globalement, avec la crise sanitaire, l'Europe entière avait connu un rallongement des délais de paiements qui avaient atteint 14 jours avant de redescendre. Toutefois, « depuis l'été 2023, les comportements de paiement se dégradent plus vite en France qu'en Europe. A l'issue du premier semestre 2024, les retards s'allongent de 0,6 jours pour la France, contre 0,2 jours à échelle Europe », note l'étude.



Pays Bas : 3,3 jours de retard, Portugal 24,3 jours

La place de la France évolue au sein de la hiérarchie des pays européens plus ou moins bons payeurs. Le Royaume-Uni (inclus dans l'étude) fait désormais mieux avec 12,2 jours de retard. Mais pour le reste, le paysage des mauvais paiements en Europe demeure relativement stable avec des pays du nord qui confirment un comportement particulièrement vertueux. En tête, les Pays Bas affichent 3,3 jours de retard et plus de 80% d'entreprises qui paient leurs fournisseurs à l' heure. En Allemagne, le retard moyen s'élève à 6,6 jours et la part de très bons payeurs, à 60%. Derrière ces nations, un bloc d' « élèves moyens » affichent des retards autour de 12 jours en moyenne avec la Belgique, l'Irlande, le Royaume-Uni, et la France (en dernière position). Autre constat de l'étude, dans les pays du sud qui affichent traditionnellement les retards les plus importants, les comportements se sont ultérieurement dégradés. L'Espagne repasse au-dessus de 15 jours de retard (15,3 ), l'Italie franchit la barre des 17 jours (17,1) et le Portugal retrouve un retard moyen de plus de 24 jours (24,3 ).