À Deauville, les professions réglementées se sont réunies autour de l'interprofessionnalité
À l'initiative du Conseil régional de l'ordre des experts-comptables, les huissiers, notaires et greffiers se sont réunis afin d'aborder les évolutions de leurs professions. La digitalisation a, une nouvelle fois, été au cœur des discussions.
« Mieux se connaître », c'était le but de la journée interprofessionnelle réunissant experts-comptables, huissiers, greffiers et notaires, mardi 12 octobre au Centre international de Deauville. « Nous avons les mêmes clients et les mêmes problématiques, vus sous un prisme différent », a résumé Damien Charrier, vice-président du Conseil régional des experts-comptables, en introduction de la conférence plénière. Cette journée était donc l'occasion pour ces professions règlementées de se rencontrer et d'échanger autour de l'évolution de leurs professions.
Au service des entreprises
« Les professions réglementées sont intimement liées », a déclaré Damien Charrier. « Nous sommes chacun indispensables mais avons besoin les uns des autres », a ajouté Franck Nibeaudo. Leur mission commune : être au service des chefs d'entreprise. Pour autant, les collaborations étroites restent marginales. Depuis 2015 et la possibilité de créer des Société pluriprofessionnelle d’exercice (SPE, pouvant réunir avocats, commissaires-priseurs judiciaires, notaires, huissiers de justice et experts-comptables), « seules 50 SPE ont été déclarées dont une en Normandie », relate Franck Nibeaudo. « Nous avons certainement assez d'activités pour être davantage dans la réactivité que l'anticipation, mais ce n'est pas un sujet mûr », a-t-il constaté.
Si les SPE ne semblent pas avoir trouvé leurs adeptes, toutes les professions réglementées s'accordent pour parler de « collaboration », « partenariat » ou encore « synergie ». Quant aux greffiers des tribunaux de commerce, « nous n'avons pas la possibilité d'être dans l'interprofessionnalité stricte avec les autres professions, mais nous travaillons avec eux au quotidien », a témoigné Sophie Jonval, présidente du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et greffière au tribunal de commerce de Caen.
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La blockchain pour sécuriser la transition numérique
« Il faut faciliter les ponts entre nous », a proposé Sophie Jonval. Et ce sont plutôt des ponts numériques auxquels ont fait référence les professionnels du chiffre et du droit. « Le fil conducteur de cette journée est le développement par chacune des professions de ses outils numériques et savoir comment interconnecter nos outils numériques respectifs pour renforcer la qualité et la proximité de l'usager ou du client », a analysé la présidente du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce. Infogreffe et Le Tribunal Digital font partie des outils mis en place pour « renforcer l'accessibilité aux services ». Un succès pour les greffes à l'image du Tribunal Digital qui a enregistré plus de 1 000 saisines pendant les mois de confinement strict (mars-mai 2020).
La transition numérique a été une « petite révolution » pour les huissiers de justice, selon Georges Golliot, délégué national des huissiers de justice. Et une grande révolution pour commissaires-priseurs (bientôt fusionnés avec les huissiers de justice pour devenir des commissaires de justice) qui ont vu leurs ventes aux enchères se dématérialiser : « Le numérique permet aux ventes aux enchères de toucher un autre public avec 1 million d'utilisateurs. » Pour Stéphane Pelfrene, « il faut maîtriser cette digitalisation car notre préoccupation à tous est de sécuriser un contrat ».
Pour cela, la blockchain est la technologie qui séduit les professionnels du chiffre et du droit. « La sécurité est le maître-mot ! La blockchain est un outil pour renforcer la sécurité juridique des liens digitaux entre les usagers et la juridiction et le greffe. Nous souhaitons nous emparer de cet outil et le développer pour avoir un atout supplémentaire de sécurité juridique », s'exclame Sophie Jonval. Dans certains greffes, l'outil a déjà été déployé « pour garantir la sécurité dans les relations entre les greffes », assure-t-elle. Une solution également à l'étude chez les notaires. « Ca va être une nouvelle révolution mais les choses doivent être équilibrées entre tous les maillons de cette blockchain », estime Stéphane Pelfrene.
Quelle conjoncture ?
Alors que la sortie de crise s'amorce, les professions du chiffre et du droit ont fait un point sur la conjoncture.
Pour les notaires, Stéphane Pelfrene indique : « Il y a beaucoup de mutations immobilières avec des franciliens qui viennent en Normandie. Il y a une vraie dynamique mais nous avons toujours eu une activité cyclique. En revanche, nous avons des difficultés sur le recrutement, nous avons besoin de collaborateurs que nous ne trouvons pas. »
Pour les huissiers de justice, Georges Golliot déclare : « Nous comptons 3 020 huissiers de justice en France, 1 793 études. Parmi les 3 020 huissiers, nous comptons 1 219 femmes. En Normandie, nous arrivons quasiment à la parité et la parité est effective dans l'ancienne Haute-Normandie. Par ailleurs, nous comptons 318 commissaires-priseurs avec lesquels nous allons fusionner (en juillet 2022, NDLR) pour devenir une profession commune d'exécution »
Pour les experts-comptables, Franck Nibeaudo constate : « 2020 a été une année chahutée, notamment sur le plan organisationnel. Les missions sociales ont augmenté et les enjeux comptables se sont réduits. Nous avons apporté une forte contribution. »
Pour les greffiers, Sophie Jonval note : « Nous avons tout mis en œuvre pour maintenir le service public avec nos outils digitaux. Ce qui différencie la dernière crise de 2008 et celle de 2020, c'est que le mur des faillites redouté n'a pas eu lieu et que les créations d'entreprises continuent leur évolution. C'est une conjoncture en demi-teinte car nous avons maintenu nos services mais au ralenti. »