Revenus : êtes-vous riche ?
Être riche, c'est disposer de 3 673 euros par mois, d'après l'Observatoire des inégalités. Cet organisme indépendant s'est attaché à définir un seuil de la richesse, omis de la statistique officielle. Un enjeu, pourtant, en matière de définition des politiques publiques.
Faut-il y voir l'empreinte de cultures profondément différentes dans leur manière d'appréhender l'argent ? En France, l'Insee ne fixe pas de seuil pour définir la richesse, contrairement à l'Allemagne. C'est un observatoire indépendant, l'Observatoire des inégalités, qui s'est attaché à tracer cette délicate frontière. Ce 1er juin, il publiait son nouveau rapport sur « Les riches en France ». D'après celui-ci, la France compte actuellement 4,5 millions de riches, soit 7,1 % de la population en 2019. Mais qui sont-ils ? L'Observatoire a défini une limite : deux fois le salaire médian, soit 3 673 euros par mois (prestations sociales comprises et impôts déduits) pour un adulte seul ; 5 511 euros pour deux adultes ; et 7 713 euros pour une famille avec deux enfants de moins de 14 ans.
L'outil de mesure est perfectible, admet l'Observatoire : il ne prend pas en compte le poids du logement, ce qui revient à mettre sur le même plan un propriétaire sans crédit à rembourser et un locataire. Par ailleurs, au delà des disponibilités financières, la richesse se définit par un certain style de vie qui n'est pas nécessairement apparent. Ainsi, « être riche, c’est d’abord avoir les moyens de se payer ce que l’on veut. Ne pas compter, ne pas regarder les prix quand on achète », pointe le rapport. Mais il est des indices plus visibles, au premier rang desquels, le logement. Sa localisation constitue un indicateur clair : 6 % des ménages riches habitent à Paris ou dans les Hauts-de-Seine (Insee, données 2018). Et 30 % des super-riches (le 1 % le plus riche) sont concentrés dans ces quelques centaines de kilomètres carrés. La taille du logement et son degré de confort, ainsi que la possession d'une résidence secondaire constituent également des signes de richesse. Tout comme la mobilité, en particulier dans les airs - : d'après une étude citée par le rapport, les 10 % les plus favorisés parcourent, en moyenne, 7 900 km par an dans un avion, contre 1 300 km pour les plus modestes .
Les 1% les plus riches, un leurre politique
Historiquement, la proportion de riches dans la population est en baisse, d'après les analystes de l'Observatoire : en 2010, ils représentaient 8,6% de la population. Toutefois, si les données manquent pour les années 2020 et 2021, il est probable que cette catégorie ait été favorisée par le retour des dividendes distribués par les entreprises et par les réformes fiscales adoptées dès 2017 lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. C'est le cas de la transformation de l’ISF, Impôt de solidarité sur la fortune en IFI, Impôt sur la fortune Immobilière, et de la réduction de la taxation des produits financiers, depuis soumis à un prélèvement forfaitaire unique.
Autre phénomène scruté par l'Observatoire, celui des patrimoines et de leur provenance, qui contribuent à figer fortement l'écart entre les riches et les pauvres. Ici, l’Observatoire des inégalités a fixé un «seuil de fortune » à 490 000 euros par ménage, soit trois fois le patrimoine médian (163 000 euros). Actuellement, 4,5 millions de ménages sont concernés, soit 15,5 % de la population. Plus largement, dans l'étude, les chercheurs pointent l'origine du patrimoine des Français : les deux tiers provient d'un héritage, selon les calculs de l’économiste Thomas Piketty (en 2010, dernière année connue). Cette part atteignait moins de 50% en 1970, mais elle est remontée durant la décennie suivante, en raison de la forte hausse des prix de l'immobilier, pour retrouver le niveau d'un siècle plutôt.
C'est donc le constat d'un fort immobilisme social que pointe le rapport, et pour l'Observatoire, il participe d'une répartition de la richesse qui n'est pas appréhendée de manière pertinente. « Bernard Arnault, le PDG du luxe, pourrait s’offrir tous les logements de la ville de Marseille. Mais penser que la répartition des richesses se résume au combat des 99 % d’en « bas » contre le 1 % du haut de la pyramide, comme le dit le plus souvent la gauche française, est démagogique », pointe le rapport. Se focaliser sur les ultra-riches revient à occulter la réalité de la société française, un enjeu de taille, pour la conception d'outil des politiques publiques.