«Nous demandons à ce que les objectifs des certificats d'économie d'énergie soient revus à la hausse »
Dans ce moment de crise écologique et énergétique, c'est un paradoxe : la filière de la rénovation énergétique souffre d'une baisse de la demande des ménages. A l'origine du phénomène, un mauvais réglage de la politique publique d'incitation financière.
Quelle est l'importance aujourd'hui des CEE, certificats d'économie d'énergie, dans le financement de la rénovation énergétique ?
Les CEE constituent aujourd'hui le premier levier de financement en matière de travaux de rénovation énergétique, en volumes et en montants, avec 3 milliards d'euros par an. En effet, ce dispositif finance ce type de projets dans différents secteurs, l'industrie, le tertiaire et aussi, des particuliers. Pour ces derniers, les CEE peuvent, par exemple, financer l'isolation des murs extérieurs, des combles, et même le remplacement d'un appareil de chauffage. A l'échelle d'un territoire, les CEE peuvent financer les travaux qui permettent la baisse de consommation d'énergie d'un bâtiment public, de logements individuels, collectifs, d'une usine... C'est en 2005 que l’État a mis ce dispositif en place. Au fil du temps, il a pris de plus en plus d'importance, jusqu'à devenir un outil de financement de premier plan. Depuis leur création, les objectifs fixés aux CEE ont été multipliés par 40. Progressivement, une filière de la rénovation énergétique s'est développée. Elle est à présent en mesure de répondre à la demande. Celle-ci a crû aussi en raison de la prise de conscience croissante des enjeux environnementaux liés à la rénovation énergétique, à laquelle s'ajoutent des motivations liées aux effets de la crise actuelle sur les prix de l'énergie.
Pourquoi parle-t-on aujourd'hui de crise des CEE, quel est le problème ?
Les difficultés actuelles résident dans le fait que les objectifs de montants de travaux de rénovation énergétique fixés aux CEE par le gouvernement ont été sous-dimensionnés. Le dispositif prévoit que ces objectifs soient fixés tous les quatre ans. L'année 2022 devait marquer le début d'une nouvelle période qui se prolonge jusqu'en 2025. Il faut préciser qu'à la différence d'autres dispositifs, comme Ma Prime Renov, par exemple, les CEE ne sont pas financées par l’argent public, mais par les énergéticiens. L’État leur a imposé ce dispositif, très incitatif. S'ils ne remplissent pas leurs obligations, les énergéticiens s'exposent à des pénalités financières plutôt conséquentes. En revanche, s'ils dépassent leurs objectifs sur une période donnée, ils ont la possibilité de reporter le reliquat obtenu sur la période suivante. C'est précisément ce qui vient de se passer, et ce reliquat est plutôt considérable. Les énergéticiens ont commencé cette nouvelle période avec de l’avance, il en résulte une situation atone : n’ayant plus tant besoin de financer des travaux, le cours du CEE baisse et le financement des travaux diminue. Cette avance aurait dû être prise en compte par les pouvoirs publics, afin de rehausser les objectifs d’économie d’énergie des quatre prochaines années.
Quelles sont les répercussions et le gouvernement en a-t-il tiré les conséquences ?
En 2022, la filière de la rénovation énergétique a subi un ralentissement notable de son activité. En effet, les ménages sont de moins en moins incités à réaliser des travaux. Paradoxalement, les foyers qui auraient le plus besoin de voir diminuer leurs factures énergétiques sont également ceux pour lesquels les aides ont le plus diminué : en moins d'un an, la prime qui découle des CEE a baissé d’au moins 20 à 25% pour les plus modestes d'entre eux. Depuis plusieurs mois, avec d'autres professionnels, nous tirons la sonnette d'alarme auprès des pouvoirs publics : la filière de la rénovation va droit dans le mur. Chaque mois, des artisans licencient. Aujourd'hui, avec le nouveau gouvernement d’Élisabeth Borne, la planification écologique est érigée en sujet prioritaire. Nous demandons donc à ce que les objectifs des CEE soient revus à la hausse, et ce, rapidement. C'est le père de tous les sujets, et il répond à une multitude d'enjeux : la décarbonation de l'industrie, l'indépendance énergétique, la qualité environnementale des territoires, l'emploi. Et aussi, le pouvoir d'achat.