Face aux difficultés, la solitude du dirigeant n'est pas une fatalité
Le 17 mai à Dieppe, les acteurs de l'aide aux entrepreneurs étaient réunis pour leur montrer, qu'ils ne sont pas seuls face à leurs difficultés. Un large réseau de conseil et de médiation existe. Encore faut-il le solliciter.
Inflation, coût de l'énergie, ralentissement des marchés... Alors que le contexte porteur qui a suivi la crise sanitaire s'estompe peu à peu, le nombre d'entreprises en difficulté remonte. Si nous sommes, en Normandie, encore largement en deçà des 2 300 défaillances enregistrées avant 2020 (1 739 défaillances enregistrées en mars 2023), mieux vaut anticiper et tenter de les limiter. C'est en tout cas le souhait de l'ensemble des acteurs de l'aide aux entrepreneurs, réunis à l'agglomération Dieppe Maritime le 17 mai. Et tous l'affirment d'une seule voix : « entrepreneurs : vous n'êtes pas seuls face à vos difficultés. »
A dire vrai, on en est même très loin, tant le nombre de portes d'entrées vers les dispositifs d'accompagnement sont nombreuses. Bien sûr, il y a les chambres consulaires (CMA et CCI), mais aussi les comptables, la Banque de France, la direction de l'emploi et du travail (DDETS), le tribunal de commerce... mais aussi les syndicats patronaux (CPME, Medef), ou des associations. Le gouvernement a même créé un poste de Commissaire aux restructurations et prévention des difficultés des entreprises... dont le rôle est notamment de créer le lien entre les différents services de l'Etat en régions.
Réagir aux signaux d'alerte
Le problème, que tous relèvent, c'est que les chefs d'entreprises ne sollicitent que trop peu ces nombreux soutiens. « Les dirigeants ne connaissent pas toujours les moyens à leur disposition en cas de difficultés », insiste Delphine Berton, déléguée territoriale Seine-Maritime Nord à la Banque de France. Et notamment, ils ne savent pas que l'aide peut débuter très tôt, alors même que les difficultés ne sont pas encore insurmontables. « Il faut que l'entreprise dispose de tableaux de suivis mensuels, pour repérer les éventuels dérapages, et ensuite pouvoir réagir à ces signaux d'alerte, explique Martine Loyer, expert-comptable au cabinet ADG Normandie. L'important c'est de communiquer avec ses partenaires (comptable, avocat, banquier), pour anticiper au maximum les difficultés. »
Mais elle l'admet : les dirigeants ont souvent peur de solliciter certaines structures. La DDETS, par exemple, est associée à l'inspection du travail. Elle propose pourtant aussi des accompagnements notamment autour de la gestion des ressources humaines. Un diagnostic RH, pour l'instant gratuit, peut ainsi être demandé en sollicitant l'OPCO (Opérateur de Compétences). Les chambres consulaires proposent, elles aussi, leurs diagnostics et des conseils d'accompagnement, totalement gratuits.
Le tribunal de commerce fait aussi de la prévention
Le tribunal de commerce est aussi un partenaire susceptible d'intervenir bien avant la mise en redressement judiciaire ou la liquidation. « Le TC joue un rôle important de prévention », insiste Jacques Flutre, le président du tribunal de commerce de Dieppe. Il peut notamment engager un mandat ad hoc ou une conciliation susceptible de résoudre certaines difficultés, notamment de négocier avec les créanciers. « Dans 70 % des cas, une telle procédure aboutit au sauvetage de l'entreprise », poursuit Jacques Flutre.
Encore faut-il le solliciter. « Le tribunal de commerce est le seul à pouvoir convoquer les dirigeants. L'expert-comptable de l'entreprise a en cela un rôle important à jouer, car il a le rapport humain direct et une visibilité que nous n'avons pas. » Il n'a toutefois qu'un rôle de conseil et reste tenu au secret professionnel. Au final, donc, c'est bien au dirigeant de l'entreprise de faire le premier pas, quelle que soit la porte à laquelle il voudra frapper. « Tout est imbriqué, et quel que soit l'interlocuteur que vous choisirez, on vous orientera », conclut Corinne Huet, responsable du service mutation économique à la DDETS 76.
Pour Aletheia Press, Benoit Delabre